COMMENT BIEN NOURRIR SON CERVEAU ? L'interview du Dr Guillaume FOND

Le célèbre psychiatre Guillaume Fond nous a régalé avec son précédent livre « Bien manger pour ne plus déprimer » (Odile Jacob, 2022). Cette année, il approfondit nos connaissances avec « Bien nourrir son cerveau »…200 pages pour mieux connaître les liens entre alimentation et bon fonctionnement du cerveau !

Le sujet est passionnant, car de plus en plus de personnes présentent des troubles du sommeil, de concentration, ou sont déprimées. J’ai contacté l’auteur pour lui poser quelques questions :

Vous utilisez le terme « dénutrition » pour notre cerveau, est-ce qu’il faut s’occuper de notre alimentation en priorité ? 

Quand on sait que 80 % de la population serait touchée par cette dénutrition, oui, il faut passer à l’action ! Nous prenons soin de notre peau, des nos cheveux, de notre silhouette, mais pas forcément de notre cerveau. Or, s’il n’est pas bien alimenté, cela va avoir des conséquences sur le stress, la concentration, l’anxiété, la dépression…

Quels sont les micronutriments bénéfiques pour le cerveau dont on manque le plus ?

Sans hésiter les OMEGA 3 et la Vitamine D, que je classe exaequo ! 

Pour les OMEGA 3, ce sont plus précisément le DHA (acide docosahexaénoïque) et l’EPA (acide éicosapentaénoïque), des acides gras essentiels présents dans les poissons gras et les algues. EPA pour son effet anti-inflammatoire et DHA plutôt structurel.

Ensuite, par ordre épidémiologique des études, vous avez les trois vitamines B intimement liées : B9 (sous forme de « méthylfolate » ou MTHF), B6 et B12. Elles agissent contre le déclin cognitif et la neurotransmission.

Puis le Zinc, souvent évoqué pour renforcer le système immunitaire, ou pour la qualité des ongles et des cheveux, qui agit contre les symptômes

dépressifs aussi !

 

Mais le point commun dans certaines pathologies du cerveau que vous présentez dans votre ouvrage, c’est le rôle prioritaire des omega 3 (DHA  et EPA) ?

Effectivement, que ce soit pour prévenir le vieillissement du cerveau, pour le traitement de la dépression, pour le trouble bordeline, bipolaire, pour la schizophrénie, Alzheimer, mais aussi pour la santé mentale des femmes en période de ménopause, après l’accouchement, SOPK ou endométriose, les omega 3 sortent toujours gagnants des résultats des diverses études que je présente dans mon livre.

Par contre, vous expliquez que les apports d’omega 3 alimentaires sont insuffisants ?

Oui, le DHA et l’EPA sont de moins en moins disponibles dans l’alimentation actuelle :  les poissons gras d’élevage ont des taux à la baisse, et il y a un épuisement des ressources des poissons sauvages. Il faut donc se tourner vers une supplémentation, mais à base d’huile d’algues, puisque ce sont elles qui nourrissent les poissons gras sans risque d’accumuler des métaux lourds. Et cela convient aux végétariens par la même occasion.

copyright Tijana Feterman
copyright Tijana Feterman

Ce qui peut surprendre dans votre livre c’est que les bilans biologiques (analyse de sang) ne sont pas forcément le reflet de notre statut en acides gras essentiels (oméga 3, 6), vitamines (D, B9),

minéraux (zinc) ? Et pour certains vous dites qu’il n’est pas nécessaire de faire un dosage ?

Et non ! Pour reprendre le cas de la vitamine D3, on sait que quasiment toute la population devrait être supplémentée, car l’alimentation et l’exposition au soleil (avec une crème de protection) sont insuffisantes pour couvrir nos besoins. Les omega 3 EPA/DHA eux, ne sont pas dosés (non remboursés), quant à la vitamine B9 qui est dosée voire supplémentée, ne l’est pas sous la forme active de « méthylfolate » (ou MTHF) mais sous forme d’acide folique inactive qui n'est pas toujours bien absorbé par le cerveau.

Et pour le Zinc, peu analysé, le taux sanguin ne reflète pas ce qu’on a dans l’organisme. Donc le taux semble normal lors d’un bilan, mais il y a pourtant un manque de Zinc au niveau du cerveau.

Du coup, pour améliorer nos apports on mise sur l’alimentation de type méditerranéenne (voir votre livre précédent) mais votre constat est assez clair, cela ne suffit pas pour couvrir nos besoins ?

Oui, l’alimentation reste un socle indispensable (avec l’activité physique, la connexion à la nature…), mais la supplémentation est indispensable, y compris chez les consommateurs attentifs. Je la conseille dès que possible à titre préventif du déclin du cerveau, avant si possible que les pathologies s’installent… Plus le mode de vie est délétère, plus il faudrait commencer tôt. Car un cerveau dénutri subit un vieillissement accéléré, par une inflammation chronique et un stress oxydatif plus élevé.

Malheureusement, comme l’alimentation ne suffit pas il faut se supplémenter, en jouant sur les bonnes associations de nutriments.

 

On s’interroge forcément sur la formation des professionnels de santé, médecins généralistes, psychiatres et leur connaissance sur l’intérêt des compléments ? Sont-ils « ouverts » à cette pratique ?

Cela dépend des disciplines, c’est très hétérogène. Les pédiatres et pédopsychiatres sont les plus ouverts, car ils s’intéressent au cerveau en plein développement chez l’enfant, et avec la montée des troubles de l’attention cela les interpellent pour un recours aux médicaments plus tardif. Il y aussi ceux qui s’occupent des femmes enceintes ou des personnes âgées. L’intérêt de la part des thérapeutes est moindre chez l’adulte, cependant je perçois un vrai changement récemment, nous sommes en train d’atteindre un point de bascule.


Vous évoquez aussi la qualité des suppléments et les dosages dans votre livre. Il semblerait que prendre des compléments 

fortement dosés sur quelques mois ne soit pas la meilleure solution ?

C’est très important de sélectionner les formes les mieux assimilées par l’organisme, et je milite pour des doses modérées prises au long cours plutôt que des doses fortes (avec risque de surdosage et d’effet indésirable) sur des durées limitées, car le cerveau ne peut pas faire de stock. Par exemple, c’est toute l’année que le cerveau a besoin d’oméga-3, de méthylfolate, de zinc et de vitamine D, pas seulement l’hiver.

 

Et que pensez-vous de la phytothérapie ? Cela peut être complémentaire, mais je ne l’utilise pas dans les solutions que je propose, pour plusieurs raisons. Je me base uniquement sur les micronutriments, qui suffisent dans une grande partie des situations.

 

Parmi tous les micronutriments que vous avez étudiés justement, quel serait le plus prometteur à l’avenir pour notre cerveau ?

Sans hésiter la L-théanine présente dans le thé vert matcha et gyokuro . Elle permet d’améliorer la concentration tout en favorisant la relaxation, ce qui s’avère utile dans diverses situations. Bref, elle a un rôle très utile pour la concentration et l’amélioration du sommeil naturel. 

 

A suivre donc…

 

« Bien nourrir son cerveau » : un livre accessible à ne pas manquer !

Si vous n’êtes pas scientifique dans l’âme mais curieux, ce livre peut être lu dans son contenu « grand public » avec une écriture en taille normale. Et pour ceux qui veulent en savoir plus, les résultats d'études et informations plus approfondis sont indiqués en petits caractères. 

 

« Bien nourrir son cerveau » du Dr Guillaume FOND, Editions Odile Jacob, 22,90€

 

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